La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (dite loi DDADUE 2024) vient d’être publiée au Journal officiel (JO RF du 23 avril 2024, texte 1). Cette loi transpose plusieurs directives et met en cohérence le droit français avec des règlements et des directives européens dans des domaines très variés[1].

Elle comporte notamment deux articles intéressant le droit des sociétés.

1.- Opérations d’apports, fusions et scissions (art. 4)

Si l’article 4 de la loi du 22 avril 2024 ratifie l’ordonnance n° 2023-393 du 23 mai 2023 relative aux fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières[2], plusieurs correctifs sont également apportés.

Régime du droit de vote double. Le régime est clarifié puisque la loi indique désormais que les apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions suivent le même régime juridique que les scissions s’agissant du traitement des droits de vote double mentionnés à l’article L 225-124 du code de commerce[3] : ces derniers seront désormais maintenus également en cas d’apport partiel d’actifs portant sur des actions auxquelles sont attachés des droits de vote double.

Opérations de scissions. La loi du 22 avril 2024 permet également d’appliquer le régime des scissions aux opérations réalisées uniquement entre SARL. Pour mémoire, ces opérations n’avaient pas été mentionnées dans la sous-section 2 de la section 2 par l’ordonnance de mai 2023 alors qu’elles étaient soumises aux dispositions rassemblées dans cette nouvelle sous-section par le droit antérieur à l’ordonnance. L’ordonnance n’ayant pas permis de maintenir le droit constant sur ce point, la loi du 22 avril 2024 apporte ainsi ce correctif[4] en rétablissant le droit antérieur à l’article L 236-20.

Cette même loi DDADUE modifie également l’article L 236-21. L’ordonnance de mai 2023 avait restreint aux scissions réalisées entre sociétés par actions l’application du seul I de l’article L 236-9 (régime des fusions entre SA) et ce, alors même que le droit antérieur à l’ordonnance leur permettait d’appliquer l’intégralité de l’article. La loi DDADUE 2024 modifie à nouveau l’article L 236-21, permettant ainsi d’effectuer des scissions soumises au régime des fusions y compris lorsqu’elles sont décidées par le conseil d’administration ou le directoire sur délégation de l’AGE[5].

Il est en outre opéré une clarification à l’article L 236-22 : en cas de scission réalisée par apports à des sociétés nouvelles, ce sont les deux rapports mentionnés à l’article L 236-10 (i.e. le rapport du commissaire à la fusion visé au I et celui du commissaire aux apports en cas d’apports en nature visé au III) qui ne sont pas requis (ce que, le droit antérieur à l’ordonnance de 2023 prévoyait déjà)[6].

Opérations d’apports partiels d’actifs (APA). Lors des opérations d’APA simplifiées, l’exonération pour les deux rapports mentionnés à l’article L 236-10 (ce que prévoyait le droit antérieur à l’ordonnance de mai 2023) est de nouveau prévue à l’article L 236-28, et non plus seulement celui prévu au seul I de l’article L 236-10[7].

L’article L 236-29 est modifié et davantage adapté à l’opération d’apport partiel d’actifs : sa rédaction s’en trouve simplifiée[8].

Toujours en cas d’APA, est désormais prévue à l’article l 236-30 la possibilité de stipuler que la société apporteuse ne sera pas solidaire des sociétés bénéficiaires de l’apport (par dérogation à l’article L 236-29)[9].

La loi DDADUE 2024 corrige une erreur de référence dans la mention d’un article de la directive : l’article L 236‑31 du code de commerce faisait référence à l’article 2119 au lieu de 119[10].

Opérations de fusions transfrontalières.  L’article L 236-35 permettant aux associés, créanciers et délégués du personnel ou, à défaut, les salariés, de présenter des observations concernant le projet de fusion transfrontalière jusqu’à cinq jours ouvrables avant la date de l’assemblée générale est modifié par la loi DDADUE 2024pour viser également les cas où l’approbation de la fusion par l’assemblée n’est pas requise (en application de l’article L 236-9, II ou des articles L 236-11 et L 236-12)[11].

Les articles L 236-38[12] et L 236-40[13] sont également modifiés à la marge pour y intégrer les porteurs de parts sociales.

Opérations d’apports partiels d’actifs transfrontaliers. L’apport partiel d’actifs transfrontalier est désormais défini par l’article L 236-48[14] comme l’« opération par laquelle une société par actions ou une société à responsabilité limitée ayant son siège social en France participe à une opération d’apport d’une partie de l’actif et du passif avec une ou plusieurs sociétés relevant du champ d’application du paragraphe 1 de l’article 160 ter de la directive UE 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017 » : il est supprimé l’occurrence « le cas échéant » qui séparait l’actif, et le passif.

De même, un nouvel alinéa est ajouté prévoyant que lorsque l’apport ne porte que sur une partie de son actif, la société apporteuse et les sociétés bénéficiaires peuvent décider de le soumettre au régime de la scission transfrontalière ou à celui de l’apport partiel d’actif (domestique).

2.- Féminisation et mixité des instances dirigeantes (art. 5)

L’article 5 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer la directive (UE) 2022/2381 du 23 novembre 2022, dite Women on Boards[15] dans un délai de six mois. Deux points méritent ici l’attention : d’une part, l’exclusion (finalement) des SAS du champ d’application de ses nouvelles dispositions (puisque seuls sont désormais visés « les conseils d’administration et de surveillance des sociétés commerciales ») et la prise en compte des représentants des salariés (ARS et ARSA) dans le calcul du ratio de parité (« pour l’ensemble de leurs membres, quelles que soient leurs modalités de désignation »).

« I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant :

1° De transposer la directive (UE) 2022/2381 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes et de prévoir les dispositions de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition :

    1. a) En prévoyant que la transposition corresponde au moins au champ d’application des articles
      225-18-1 et L. 226-4-1 du code de commerce ;
    2. b) En garantissant, dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés commerciales, l’exigence d’une proportion minimale de 40 % du sexe le moins représenté, pour l’ensemble de leurs membres, quelles que soient leurs modalités de désignation ;
    3. c) Sans ajouter au droit en vigueur à la date de la présente habilitation de nouvelles sanctions encourues en cas de méconnaissance des obligations relatives à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ;
    4. d) En désignant un ou plusieurs organismes chargés de suivre, d’analyser et de soutenir l’équilibre entre les femmes et les hommes dans la composition des conseils d’administration et de surveillance des sociétés commerciales et dotés de moyens suffisants à l’exercice de ces missions ;
    5. e) Avec les adaptations nécessaires, en harmonisant les règles en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes applicables aux conseils d’administration ou de surveillance des établissements publics avec celles prévues pour les sociétés commerciales et en les étendant aux groupements d’intérêt public ;

2° D’adapter, afin d’assurer leur cohérence et de tirer les conséquences des modifications apportées en application du 1° du présent I, les différentes obligations relatives à la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des organes des sociétés commerciales en harmonisant ces obligations ;

3° De rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’Etat et de procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. »

oOo

[1] Sur le sujet, v. brèves ANSA, Projet de loi DDADUE 2024 : adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, n° 24-BR14 et Projet de loi DDADUE 2024 : accord de la commission mixte paritaire (CMP),
n° 24-BR18

[2] L. n° 2024-364, art. 4, I.

[3] art. L 225-124 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 1°

[4] art. L 236-20 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 2°

[5] art. L 236-21 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 3°

[6] art. L 236-22 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 4°

[7] art. L 236-28 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 5°

[8] art. L 236-29 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 6°

[9] art. L 236-30 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 7°

[10] art. L 236-31 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 8°

[11] art. L 236-35 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 9°

[12] art. L 236-36 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 10°

[13] art. L 236-38 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 11°

[14] art. L 236-48 modif. par L. n° 2024-364, art. 4, II. 13°

[15] Sur ce sujet, v. brève ANSA, Mixité dans les conseils d’administration : la directive relative à la présence des femmes dans les conseils d’administration est définitivement adoptée, n° 22-BR25