Par un communiqué en date du 24 avril 2024, le Parlement européen annonce avoir adopté de nombreux textes en matière financière lors de sa session plénière qui s’est tenue du 22 au 25 avril 2024, dernière session avant les élections européennes. Si certains concernent au premier plan le droit des sociétés (1), d’autres textes doivent également être mentionnés car ils intéressent également la vie des entreprises (2).

Ces textes doivent à présent être confirmés également par le Conseil ; ils seront ensuite publiés au Journal officiel de l’UE avant de rentrer en vigueur.

 

I.- Amélioration de l’attractivité des marchés des capitaux et facilitation de l’accès des PME aux capitaux – Extension et amélioration de l’utilisation des outils et processus numériques

 

  • Amélioration de l’attractivité des marchés des capitaux et facilitation de l’accès des PME aux capitaux (Listing Act)

Parmi les textes adoptés, figure notamment le « Listing Act » qui vise à rendre les marchés de capitaux plus attrayants pour les entreprises de l’UE et à faciliter leur accès aux capitaux, notamment pour les PME, en allégeant la charge administrative liée à la cotation en bourse, tout en protégeant les investisseurs et l’intégrité du marché[1].

Différentes mesures sont ainsi proposées, notamment s’agissant :

  • de la recherche en investissement par des tiers (directive MiFID) ;
  • du prospectus simplifié et de la réduction des coûts (Règlement Prospectus) ;
  • du Règlement relatif aux abus de marché (Règlement MAR) et règlement sur les marchés d’instruments financiers (MiFIR) ; et
  • des actions à droit de vote multiple.

Pour ce faire, une directive[2] et un règlement[3] sont adoptés, modifiant ainsi la directive (MiFIR) et les règlements Prospectus et MAR précités. S’agissant des actions à droit de vote multiple, une directive est également adoptée[4].

 

  • Extension et amélioration de l’utilisation des outils et processus numériques dans le domaine du droit des sociétés

Proposée par la Commission européenne le 29 mars 2023, la directive sur l’extension et l’amélioration de l’utilisation des outils et processus numériques a également fait l’objet d’un accord du Parlement européen.

Cette directive a pour objet de réduire les formalités administratives et d’alléger la charge administrative pesant sur les activités transfrontières en prévoyant :

  • l’application du principe de la transmission unique d’informations afin d’éviter aux entreprises de devoir fournir à nouveau des informations lors de la création d’une succursale ou d’une entreprise dans un autre État membre. Les informations pertinentes peuvent être échangées par l’intermédiaire du système d’interconnexion des registres du commerce (BRIS) ;
  • la création d’un certificat d’entreprise de l’UE, contenant un ensemble d’informations de base sur les entreprises, qui sera disponible gratuitement dans toutes les langues de l’UE ;
  • l’utilisation d’un modèle standard multilingue de procuration numérique de l’UE qui autorisera une personne à représenter l’entreprise dans un autre État membre ;
  • la suppression des formalités telles que la nécessité d’une apostille ou de traductions certifiées conformes pour les actes d’entreprises.

 

II.- Autres textes en matière financière

D’autres textes en matière financière ont également été adoptés lors de cette session plénière.

  • Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT)

Le Parlement a adopté une sixième directive et un règlement qui viennent renforcer le cadre juridique européen en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

De nouvelles règles sont introduites en la matière, et notamment :

Bénéficiaire effectif. Les personnes ayant un intérêt légitime, notamment les journalistes et professionnels des médias, les organisations de la société civile, les autorités compétentes et les organes de surveillance, auront un accès immédiat, non filtré, direct et libre aux informations sur les bénéficiaires effectifs détenues dans les registres nationaux et interconnectés au niveau européen. En plus des informations actuelles, les registres devront intégrer des données remontant à au moins cinq ans.

Analyse et détection des cas de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. De plus amples pouvoirs sont donnés aux cellules de renseignement financier (CRF) pour analyser et détecter les cas de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme et, le cas échéant, suspendre des transactions suspectes.

Obligation de vigilance de plus grande envergure. Il est à noter que certaines personnes seront assujetties à de plus grandes obligations de vigilance (établissement de crédit, les gestionnaires d’actifs et de crypto-actifs, agents immobiliers en ligne, clubs de football professionnels[5], personnes aux patrimoine financier d’au moins 50 000 000 euros hors résidence principale…).

Création d’un organisme de surveillance central : Un règlement vient enfin instituer un organisme de surveillance central, l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (ALBC), chargée de superviser les règles de lutte contre le blanchiment de capitaux. En pratique, cet organisme sera chargé de superviser directement les entités financières les plus risquées, d’intervenir en cas de défaillances dans le contrôle mais servira aussi de référence pour les autorités de surveillance comme médiatrice dans les conflits qui pourraient intervenir entre elles. L’ALBC supervisera également la mise en œuvre de sanctions financières ciblées.

 

  • Transparence et intégrité des activités de notation environnementale, sociale et de gouvernance (ESG)

Toujours au cours de cette même session plénière, le Parlement européen a approuvé ce mercredi 24 avril 2024 des règles visant à assurer davantage de transparence et d’intégrité des activités de notation environnementale, sociale et de gouvernance (ESG)[6]. Ces règles sont destinées à l’ensemble des acteurs dont l’activité est la notation ESG et ont pour objet de permettre aux investisseurs de réaliser des investissements plus réfléchis et de lutter contre l’écoblanchiment.

Décomposition de la notation. En substance, le règlement adopté prévoit une obligation de distinguer les notations E, S et G plutôt qu’une mesure ESG unique, agrégeant les facteurs E, S et G.

Des exigences supplémentaires sont ensuite prévues. Si une notation ESG couvre le facteur E, des informations devront également être fournies pour savoir si cette notation prend en compte l’alignement sur l’Accord de Paris et tout autre accord international pertinent. Si une notation ESG couvre les facteurs S et G, des informations doivent être fournies sur la prise en compte par cette notation de tout accord international pertinent.

Comme l’indique le communiqué, cette ventilation devrait permettre aux investisseurs de mieux cibler leurs investissements dans l’un de ces trois domaines et d’avoir une idée plus précise  de la crédibilité de l’entité notée.

Approche par la double matérialité. Les nouvelles règles contenues dans la directive obligeront l’agence de notation à indiquer explicitement si la note attribuée :

  • prend en compte à la fois le risque financier matériel pour l’entité notée et l’impact matériel de cette dernière sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance ;
  • ou si elle ne prend en considération qu’un seul de ces facteurs.

De cette manière, les agence de notation ESG sont encouragées à prendre davantage en compte l’impact matériel de l’entité notée sur l’environnement et sur la société elle-même.

 

oOo

[1] sur le sujet, v. brève ANSA, Listing Act : Accord entre la Commission des affaires économiques et monétaires et le Conseil, n° 24-BR040 ; v. ANSA, Brochure ANSA n° 216-2024 – Journées d’études de l’ANSA et not. Fiche n° IV-4 : Listing Act

[2] 535 votes pour, 16 contre et 39 abstentions

[3] 533 votes pour, 31 contre et 28 abstentions

[4] 353 votes pour, 118 contre et 114 abstentions

[5] A partir de 2029

[6] 464 voix pour, 115 contre et 13 abstentions