L’ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023 portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales vient d’être publiée au Journal officiel (JO RF, 25 mai 2023, texte 20).

Procédant d’une habilitation conférée par la loi DDADUE n° 2023-171 du 9 mars 2023 (art. 13) au Gouvernement afin de légiférer par voie d’ordonnance dans un délai de trois mois (v. brève ANSA n° 23-BR05, Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (loi DDADUE) : mesures en droit des sociétés et en droit financier), l’ordonnance du 24 mai 2023 vient réformer les régimes des fusions, des scissions, des apports partiels d’actifs et des transferts de siège des sociétés commerciales en venant notamment transposer la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières.

Comme l’indique le rapport au Président, cette ordonnance n° 2023-393 introduit notamment en droit français les procédures de scissions transfrontalières (possibilité pour une société de se scinder en plusieurs sociétés immatriculées dans des États membres différents) et de transformations transfrontalières (possibilité de transférer son siège dans un autre État membre tout en conservant sa personnalité juridique) et transpose les nouvelles dispositions relatives aux fusions transfrontalières prévues par la directive. Ces règles garantissent les droits des parties prenantes :

  • Pour les associés minoritaires, la directive leur ménage un droit de sortie leur permettant de se faire racheter leurs parts ou actions en cas d’opposition à l’opération. Ce droit de sortie est désormais codifié à l’article L 236-40 (modif. par O. n° 2023-393, art. 6) ;
  • Pour les salariés, est prévu un mécanisme garantissant le droit des salariés à être informés et consultés en amont de l’opération et à participer aux organes de la société issue de l’opération (art. L 236-35, L 236-36, L 236-39 modif. par O. n° 2023-393, art. 6 ; C. trav. art. L 2371-3 modif. par O. n° 2023-393, art. 8);
  • Pour les créanciers dont la créance est née antérieurement au projet d’opération transfrontalière, un recours juridictionnel afin d’obtenir des garanties de la part de la société débitrice est prévu (art. L 236-26, L 236-29 et L 236-30 modif. par O. 2023-393, art. 4, 5 et 6).

Il peut en outre être relevé un double mécanisme de contrôle de l’opération, par une autorité de contrôle dans l’Etat membre de départ, ainsi que dans l’Etat membre de destination. Pour la France, l’autorité choisie pour le contrôle de la légalité de l’opération et de sa réalisation est le greffier du tribunal de commerce qui devra également s’assurer que l’opération transfrontalière n’est pas réalisée « à des fins abusives ou frauduleuses menant ou visant à se soustraire au droit de l’Union européenne ou au droit français ou à le contourner, ou à des fins criminelles ». Cette vérification, dont les délais seront fixés par décret en Conseil d’Etat, conditionnera la prise d’effet de l’opération (art. L 236-42 modif. par O. 2023-393, art. 6).

Enfin, les dispositions de simplification de la directive sont étendues par l’ordonnance aux opérations domestiques. Il en est ainsi par exemple de la scission partielle prévue par la directive, permettant d’attribuer directement les actions perçues en rémunération de l’apport aux associés de la société apporteuse. Ce mécanisme n’était jusqu’alors pas consacré au niveau national et contraignait les praticiens à procéder en deux étapes successives, à savoir un apport partiel d’actif suivi, par exemple, d’une distribution en nature par la société apporteuse à ses actionnaires. L’ordonnance du 24 mai 2023 vient consacrer cette pratique en lui donnant une assise juridique dans le code de commerce (art. L 236-27 modif. par O. n° 2023-393, art. 5).

Les dispositions de l’ordonnance s’appliqueront aux opérations dont le projet sera déposé au greffe du tribunal de commerce à compter du 1er juillet 2023 (O. n° 2023-393, art. 13).