La directive (UE) 2025/25 du 19 décembre 2024 relative à l’extension et à l’amélioration de l’utilisation des outils et processus numériques dans le domaine du droit des sociétés a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (UE) du 10 janvier 2025. Les données des sociétés sont rendues plus facilement accessibles par les modifications apportées par la directive, ce qui permet de renforcer la confiance dans les sociétés et la transparence de ces sociétés dans tous les États membres. En outre, le texte vise à rendre les administrations publiques plus connectées et à simplifier les formalités dans les situations transfrontières.

La directive est entrée en vigueur le 30 janvier 2025. Les États membres devront la transposer au plus tard le 31 juillet 2027 en adoptant les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour s’y conformer ; ils appliqueront ces dispositions à partir du 31 juillet 2028.

Cette directive s’inscrit dans plusieurs grands projets européens afin de moderniser le droit des sociétés (« Une boussole numérique pour 2030 », « Numérisation de la justice au sein de l’Union européenne », « Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020 » et « Une stratégie axée sur les PME pour une Europe durable et numérique »).

Plus concrètement, la directive

  • facilite le partage des données sur les sociétés grâce au système d’interconnexion des registres du commerce (BRIS) ;
  • crée un modèle numérique multilingue, ou procuration numérique de l’UE, qui a pour objectif de supprimer les formalités administratives (comme des apostilles ou des traductions certifiées) ;
  • encourage les sociétés à recourir au principe « une fois pour toutes », qui évite aux sociétés de devoir soumettre plusieurs fois les mêmes informations aux administrations, notamment lors de la création de filiales transfrontalières 
  • propose un certificat d’entreprise de l’UE multilingue permettant de faciliter les formalités dans les situations transfrontalières ;
  • permet d’inclure les coopératives dans la directive sur le droit des sociétés.

 

Le nouveau texte européen renforce aussi les contrôles pour une meilleure fiabilité des informations disponibles sur les sociétés. A cet effet, les États membres doivent mettre en place

  • un « contrôle préventif administratif, judiciaire ou notarial, ou toute combinaison de ces types de contrôles, de l’acte constitutif et des statuts des sociétés figurant aux annexes II et II ter au moment de leur constitution, et de toute modification de ces actes » (nouvel art. 10, § 1, de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés) ;
  • une « procédure de contrôle de la légalité de l’acte constitutif d’une société et de ses statuts s’ils font l’objet d’un acte séparé. Les États membres veillent à ce que ce contrôle de la légalité soit également effectué en cas de modification de ces actes » (nouvel art. 10, § 2, de la directive (UE) 2017/1132) visant à vérifier que les exigences légales applicables (forme et fond) sont respectées[1]; doit notamment être vérifiée la légalité de l’objet et de la dénomination de la société conformément au droit national (nouvel art. 13 octies, § 3, d) et e) de la directive (UE) 2017/1132);
  • une « procédure pour vérifier, en cas de doute, si les sociétés figurant aux annexes II et II ter remplissent les conditions pour pouvoir continuer à être immatriculées» , et la radiation de la société du registre pouvant être prononcée si les conditions ne sont plus remplies (nouvel art. 15, § 3, de la directive (UE) 2017/1132) ; à titre exceptionnel, les autorités nationales peuvent également refuser, pour des raisons d’intérêt public, d’accepter un acte ou des informations relatifs à une société établie dans un autre État membre [2] (nouvel art. 16 septies, de la directive (UE) 2017/1132) ;
  • des « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives», qui seront appliquées en cas de non-respect des obligations en matière de publicité et de dépôt des actes concernant les sociétés (nouveaux art. 28 et 40 de la directive (UE) 2017/1132).

 

Il convient de rappeler qu’en France, en matière d’inscriptions au registre du commerce et des sociétés, le contrôle et l’appréciation de la validité des demandes d’inscriptions déposées au greffe sont assurés par le greffier, qui est le seul compétent et habilité à le faire. Celui-ci s’assure de la « régularité de la demande ». Mais il vérifie aussi que les énonciations portées sur les demandes sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires et correspondent aux pièces justificatives et aux actes déposés en annexe (art. R 123-94, à R 123-97 du Code de com.)[3].

Pour répondre aux nouvelles exigences européennes, la France devra s’assurer que le contrôle de la « régularité » de la demande tel que défini par le Code de Commerce correspond bien à la double exigence de la directive, la jurisprudence étant rare sur le sujet.

Il serait cependant regrettable que la simplification envisagée conduise à une formalité supplémentaire.

Par ailleurs, la directive européenne autorise les États membres à instaurer des contrôles électroniques publics complémentaires, tels que des vérifications d’identité audiovisuelles à distance.

L’ensemble de ces mesures a pour objectif de favoriser une coopération administrative accrue, d’attirer les investissements étrangers, y compris en provenance de régions européennes encore en développement, et de renforcer la compétitivité du marché intérieur.

La digitalisation des formalités est en France déjà largement pratiquée (v. les textes précités) et il est nécessaire que cette digitalisation soit également organisée dans tous les Etats membres.

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[1] « Le contrôle de la légalité visé au premier alinéa permet de vérifier au moins que:

1. les exigences formelles applicables à l’acte constitutif, et aux statuts s’ils font l’objet d’un acte séparé, sont remplies et, lorsque des modèles visés à 
l’article 13 nonies sont utilisés, que ces modèles sont utilisés correctement;
2. le contenu minimal obligatoire est inclus;
3. les exigences légales de fond sont respectées ; et
4. les contributions, qu’elles prennent la forme d’un versement en numéraire ou d’apports en nature, ont été prévues, conformément au droit national. » (nouvel art. 10, § 2, de la directive (UE) 2017/1132).

[2] « Lorsque des raisons d’intérêt public le justifient pour prévenir des abus ou des fraudes, les autorités d’un autre État membre peuvent, à titre exceptionnel et au cas par cas, lorsqu’elles ont des motifs raisonnables de soupçonner un abus ou une fraude, refuser d’accepter des actes ou des informations relatifs à une société provenant d’un registre d’un autre État membre comme preuve de l’immatriculation d’une société ou de la poursuite de son existence, ou comme preuve des informations spécifiques sur la société faisant l’objet de soupçons d’abus ou de fraude. » (nouvel art. 16 septies, § 1, de la directive (UE) 2017/1132).

[3] La demande d’immatriculation est faite par l’intermédiaire du « guichet unique électronique des formalités des entreprises », tenu par l’INPI (art. L 123-33, R 123-1 et s.)