Publié au Journal officiel (JO RF, 12 décembre 2025, texte 18), le décret n° 2025-1198 du 11 décembre 2025 vient compléter certaines mesures introduites par la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (dite loi Attractivité).
Il entre en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 13 décembre 2025.
Ce décret était attendu pour la mise en application de certaines dispositions concernant les actions à droits de vote multiples (I) et les augmentations de capital réservées à une ou à plusieurs personnes nommément désignées dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation (II).
I.- Actions à droits de vote multiple
Rappel : L’article 1er de la loi Attractivité a créé le régime de cette catégorie d’actions au sein d’un nouvel article L 22-10-46-1 du code de commerce, permettant aux sociétés de se doter d’actions à droits de vote multiples dans le cadre de la première admission aux négociations de leurs actions sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation. Contrairement à celles admises à la négociation sur un marché réglementé pour lesquelles aucun ratio est prévu, un ratio maximum de vingt-cinq pour un entre les droits de vote attachés à une action à droits de vote multiples et les droits attachés à une action ordinaire est prévu pour les actions admises à la négociation sur SMN[1]. Ces actions à droits de vote multiples sont assorties de certaines limites[2].
- Informations préalables à l’AG en cas de renouvellement de la durée des actions à droits de vote multiples
Informations à publier (C. com. art. R 22-10-23, 2° bis modif. par D. n° 2025-1198, art. 1er ; C. com. art. R 22-10-23-1 nouv. créé par D. n° 2025-1198, art. 2). L’article 1er du décret insère un 2° bis à l’article R 22-10-23 qui impose désormais aux sociétés dont les actions sont admises sur un marché réglementé de publier sur un site Internet à J-21 avant l’assemblée « Le cas échéant, le nombre, la durée, l’identité des bénéficiaires des actions de préférence émises selon les dispositions de l’article L. 22-10-46-1 et les droits qui sont attachés auxdites actions en fonction des projets de résolutions qui seront présentées à l’assemblée ».
Cette information doit également être publiée par les sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un SMN sur leur site internet ou à défaut, par tout autre moyen conformément au nouvel article R 22-10-23-1.
Publication du rapport spécial des CAC en cas de renouvellement de la durée des actions à droits de vote multiples (C. com. art. R 22-10-23, 6° modif. par D. n° 2025-1198, art. 1er ;
C. com. art. R 22-10-23-1 nouv. créé par D. n° 2025-1198, art. 2). Par ailleurs et toujours au plus tard à J-21, les sociétés dont les actions sont admises sur un marché réglementé doivent, en cas de renouvellement de la durée de ces actions de préférence, publier le rapport spécial du CAC prévu par l’article L 22-10-46-1, II[3].
Cette information doit également être publiée par les sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un SMN sur leur site internet ou à défaut, par tout autre moyen conformément au nouvel article R 22-10-23-1.
- Contenu du rapport spécial des CAC (C. com. art. R 22-10-23-2 nouv. créé par n° 2025-1198, art. 2)
En cas de renouvellement de ces actions à droits de vote multiples, l’article L 22-10-46-1 prévoit en son II. que leur durée peut être renouvelée par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires statuant au vu d’un rapport spécial des commissaires aux comptes de la société, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Le nouvel article R 22-10-23-2 précise le contenu de ce rapport spécial des CAC : doivent être mentionnés (i) le nombre et la durée initiale des actions de préférence émises ainsi que (ii) les incidences de leur création sur la gouvernance de la société, en précisant notamment si leur existence a influencé l’adoption des résolutions soumises à l’approbation de l’assemblée générale.
- Modalités selon lesquelles les statuts de la société prévoient une indemnisation équitable des pertes enregistrées par les titulaires d’actions de préférence dans les cas où celles-ci ne donnent droit qu’à une voix en application de l’article L 22-10-46-1 (C. com. art. R 22-10-30-1 créé par D. n° 2025-1198, art. 3)
Contexte. La loi Attractivité dispose qu’en cas d’offre publique, les statuts peuvent prévoir que les actionnaires ne peuvent se prévaloir de leurs droits de vote multiple (mais seulement d’une voix) :
- lors de l’assemblée générale des actionnaires qui arrête toute mesure prévue par les statuts de la société dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre publique ;
- lors de la première assemblée générale des actionnaires suivant la clôture de l’offre publique lorsque, à l’issue de celle-ci, son auteur détient au moins les trois quarts du capital social assortis de droits de vote.
Si cette faculté est prévue dans les statuts, il est alors nécessaire de prévoir une indemnisation équitable fondée sur les pertes susceptibles d’être enregistrées par les titulaires de ces actions selon des conditions et modalités renvoyées à un décret en Conseil d’État.
Notification à l’AMF lors de l’adoption d’une disposition statutaire. Lorsque l’assemblée générale adopte l’une des dispositions statutaires mentionnées supra, la décision est notifiée dans un délai de 7 jours à l’Autorité des marchés financiers, ainsi qu’aux autorités compétentes des Etats membres sur le territoire desquels les titres de la société sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou font l’objet d’une demande d’admission à la négociation sur un tel marché.
Elle doit également être publiée dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.
Indemnisation des porteurs lorsque ces droits de vote multiples attachés à leurs actions sont neutralisés du fait de l’adoption d’une clause statutaire. Le deuxième alinéa du nouvel article R 22-10-30-1 dispose que dans ce cas, l’auteur de l’offre publique est tenu d’indemniser équitablement les pertes subies par leurs titulaires. Cette indemnisation n’est due que si l’auteur de l’offre, agissant seul ou de concert, vient à détenir une fraction du capital ou des droits de vote de la société visée supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers (qui, à date, n’a pas encore été modifié).
Procédure à suivre en cas de dépôt de l’offre publique. Lors du dépôt d’un projet d’offre publique, l’auteur de l’offre doit préciser le montant de l’indemnisation proposée, la méthode employée pour sa détermination ainsi que les modalités de son versement. Les modalités de publication de ces informations sont fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers (non modifié, à date). Les titulaires des actions de préférence dont les droits de vote multiples ont été neutralisés font connaître à l’auteur de l’offre publique, par LRAR, leur accord ou leur désaccord sur le montant de l’indemnisation proposée et les modalités de son versement :
- dans un délai de 90 jours à compter de l’assemblée générale des actionnaires qui arrête toute mesure prévue par les statuts de la société dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre publique ; ou
- à compter de la date de l’assemblée générale des actionnaires suivant la clôture de l’offre publique lorsque, à l’issue de celle-ci, son auteur détient au moins les trois quarts du capital social assortis de droits de vote.
II.- Augmentations de capital réservées à une ou à plusieurs personnes nommément désignées dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation
Dispositif introduit par la loi Attractivité (C. com. art. L 22-10-52-1 créé par L. n° 2024-537, art. 9). La loi Attractivité a créé un article L 22-10-52-1 applicable aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un SMN. Lorsque l’augmentation de capital est réservée à une ou à plusieurs personnes nommément désignées, cet article
L 22-10-52-1 permet à l’AGE de déléguer au conseil d’administration ou au directoire le pouvoir de désigner les bénéficiaires, dans la limite de 30 % du capital social par an.
Cette liberté est néanmoins assortie de plusieurs limites, dont le prix d’émission et la qualité des bénéficiaires puisque le troisième alinéa de cet article dispose que « Le prix d’émission des actions est fixé par le conseil d’administration ou le directoire, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat. »
Prix d’émission (C. com. art. R 22-10-32 modif. par D. n° 2025-1198, art. 4). L’article R 22-10-32 tel que modifié par le décret du 11 décembre 2025 prévoit que le prix d’émission est au moins égal au cours de clôture de la dernière séance de bourse précédant la décision du conseil d’administration ou du directoire, éventuellement diminué d’une décote maximale de 10 %.
[1] C. com. art. L 22-10-46-1 al. 3
[2] Les bénéficiaires de ces actions doivent nommément être désignés ; l’exercice de ces actions à droits de vote multiples est limité à 10 ans, renouvelables pour 5 ans sur décisions de l’AGE ; l’exercice de ces actions est neutralisé pour ceraines résolutions.
[3] II.-Les actions de préférence sont créées pour une durée déterminée ou déterminable qui ne peut excéder dix ans. Cette durée peut être renouvelée par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires statuant au vu d’un rapport spécial des commissaires aux comptes de la société, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. A peine de nullité de la délibération, les titulaires des actions de préférence ne peuvent prendre part, directement ou indirectement, au vote sur le renouvellement de cette durée et les actions de préférence qu’ils détiennent ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum ni de la majorité, à moins que l’ensemble des actionnaires soient titulaires d’actions de préférence. Un tel renouvellement ne peut intervenir qu’une fois et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans. L’article 1844-12-1 du code civil n’est pas applicable à l’action en nullité exercée sur le fondement du présent alinéa.








