Offre publique de retrait, retrait obligatoire et expertise indépendante : modifications du règlement général de l’AMF par l’arrêté du 28 janvier 2020

Publié au JO du 7 février 2020 (JO RF, texte n° 27), l’arrêté du 28 janvier 2020 vient modifier et homologuer le règlement général de l’Autorité des marchés financiers (RG AMF) concernant les offres publiques de retrait, le retrait obligatoire et l’expertise indépendante.

Les modifications présentées ci-dessous font suite à la modification du régime juridique par la loi Pacte (article 75-I) mais également au rapport fourni par le groupe de travail constitué par l’AMF auquel l’ANSA avait participé en mars 2019 et soumis à consultation publique en septembre dernier.

Les principales modifications sont les suivantes :

  • Désignation d’un comité ad hoc

La proposition n° 1 formulée par le groupe de travail était qu’un comité d’administrateurs ad hoc constitué majoritairement d’administrateurs indépendants devait être chargé par l’organe social compétent de la société́ visée de choisir et superviser les travaux de l’expert indépendant.

Le nouvel article 261-1-III du RG AMF dispose que l’expert indépendant est désigné, dans les conditions fixées par une instruction de l’AMF, par l’organe social compétent de la société visée sur proposition d’un comité ad hoc composé d’au moins trois membres et comportant une majorité de membres indépendants. Ce comité doit assurer le suivi des travaux de l’expert et prépare un projet d’avis motivé, à soumettre au conseil.

Lorsque la société visée n’est pas en mesure de constituer le comité ad hoc, elle soumet à l’AMF, dans les conditions précisées par une instruction de l’AMF, l’identité de l’expert indépendant qu’elle envisage de désigner (art. 261-1-1 I).

L’AMF peut, le cas échéant, s’opposer à la désignation de l’expert indépendant proposé par la société visée, dans un délai de dix jours de négociation, lorsqu’elle a des motifs raisonnables de considérer que l’expert ne présente pas les compétences ou garanties suffisantes, notamment d’indépendance, pour assurer sa mission. Lorsque l’AMF demande des précisions ou des informations complémentaires à la société visée, ce délai est suspendu jusqu’à réception de celles-ci (art. 261-1-1 III).

  • Contenu de l’avis établi par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance (ou par l’organe compétent si la société est étrangère)

Un des autres constats du groupe de travail était l’insuffisance de motivation de l’avis établi par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance concernant l’intérêt de l’offre et ses conséquences pour la société, ses actionnaires et ses salariés (proposition n° 2).

Pour pallier ces carences, l’article 231-19, 4° prévoit que l’avis du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (ou de l’organe compétent si la société est étrangère) doit désormais préciser :

  • les diligences que celui-ci a effectuées aux fins de la préparation de cet avis, dans les conditions fixées par une instruction de l’AMF ;
  • l’intérêt de l’offre et les conséquences de celle-ci pour la société visée, ses actionnaires et ses salariés, et, le cas échéant, les mesures susceptibles de faire échouer l’offre qu’elle a mise en œuvre ou décide de mettre en œuvre. En cas de mesure nouvelle susceptible de faire échouer l’offre, la société publie un communiqué pour en informer le marché ;
  • les conditions de vote dans lesquelles cet avis a été obtenu sont précisées, tout membre pouvant demander qu’il soit fait état de son identité et de sa position.

 

  • Rapport de l’expert indépendant

 Le groupe de travail de 2019 relevait dans ses propositions n° 12 et 16 que l’activité d’expert indépendant n’était pas une activité réglementée et qu’il n’existait pas d’organisations professionnelles constituées d’experts indépendants ou de chartes d’éthiques agréées par l’AMF. L’une des conséquences relevées par le rapport de 2019 était l’insuffisance significative de certains rapports en matière de contenu : absence de prise en compte de transactions connexes, échantillons approximatifs…

Pour assurer une meilleure effectivité du rapport d’expertise indépendante, le règlement général est modifié sur deux points.

Contenu du rapport. L’article 261-1-1-II dispose que si l’AMF constate que le rapport d’expertise contient des insuffisances significatives, elle peut demander à la société visée de désigner à ses frais un nouvel expert indépendant aux fins d’émettre une nouvelle attestation d’équité dans les conditions mentionnées au I de l’article 262-1. Il en va ainsi notamment : (i) lorsque le rapport ne rend pas compte d’une situation de conflit d’intérêts ou (ii) lorsqu’il comporte des incohérences ou des lacunes significatives.

En cas d’insuffisance significative relevée par l’AMF, la société visée devra alors lui soumettre, dans les conditions précisées par une instruction, l’identité de l’expert indépendant qu’elle entend désigner. Étant observé que l’AMF peut une fois encore s’opposer à la désignation de l’expert indépendant proposé par la société visée, dans un délai de dix jours de négociation, lorsqu’elle a des motifs raisonnables de considérer que l’expert ne présente pas les compétences ou garanties suffisantes, notamment d’indépendance, pour assurer sa mission.

Délai imparti pour produire le rapport. L’article 262-1-II est modifié et prévoit que le délai pour produire un rapport ne peut désormais être inférieur à vingt jours (contre quinze jusqu’alors). Un nouveau délai additionnel de vingt jours n’est pas applicable dans le cas où l’expert se verrait confier une nouvelle mission, complémentaire à la première. Dans cette hypothèse, l’expert doit uniquement justifier dans son rapport du délai utilisé pour l’accomplissement de sa mission, telle que prolongée.

Si l’expert considère ne pas avoir eu un délai suffisant pour élaborer son rapport, compte tenu des développements de sa mission ou des retards dans la mise à disposition des documents et informations nécessaires à l’accomplissement de celle-ci,  il devra rendre un rapport sans attestation d’équité et en expliquer les raisons.

L’AMF a, en conséquence, actualisé sa recommandation « Expertise dans le cadre d’opérations financières » (DOC-2006-15).

Arrêté du 28 janvier 2020 portant homologation de modifications du règlement général de l’Autorité des marchés financiers

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041539995&dateTexte=&categorieLien=id

Consultation publique de l’AMF sur les conditions de mise en œuvre du retrait obligatoire et l’expertise indépendante dans le cadre des offres publiques, 23 septembre 2019

https://www.ansa.fr/consultation-publique-de-lamf-sur-les-conditions-de-mise-en-oeuvre-du-retrait-obligatoire-et-lexpertise-independante-dans-le-cadre-des-offres-publiques/

Retrait obligatoire et expertise indépendante : participation de l’ANSA à un groupe de travail à l’Autorité des marchés financiers, 27 mars 2019

https://www.ansa.fr/retrait-obligatoire-et-expertise-independante-participation-de-lansa-a-un-groupe-de-travail-a-lautorite-des-marches-financiers/

Rapport sur les conditions de mise en œuvre du retrait obligatoire et l’expertise indépendante dans le cadre des offres publiques

https://www.amf-france.org/Publications/Rapports-etudes-et-analyses/Societes-cotees-et-operations-financieres?docId=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F7bf1c2b0-b789-4134-b50a-49f8f5c8bf98

  • Recommandation DOC-2006-15 : Expertise dans le cadre d’opérations financières

https://www.amf-france.org/Publications/Consultations-publiques/Archives?docId=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F2656edc6-6369-4936-b785-2af07fee4bb1