Dissolution d’une société pour mésentente : un assouplissement apporté (à propos de l’arrêt du 10 avril 2019, n° 17-20.506)

Même s’il n’est pas publié au Bulletin, l’arrêt du 10 avril 2019 semblerait assouplir le régime juridique afférent à la dissolution d’une société pour mésentente prévu à l’article 1844-7, 5° du code civil.

Dans cette espèce, une SCI était détenue pour moitié par une société (dont le gérant était également celui de la SCI), l’autre moitié faisant l’objet d’un démembrement de propriété. La société associée avait assignée la SCI, la nu-propriétaire et l’usufruitière afin de voir prononcer la dissolution de la première.

La chambre commerciale avait rendu un premier arrêt (Com. 16 septembre 2014 : n° 13-20.083) où elle jugeait que si l’associé qui exerce l’action était à l’origine de la mésentente qu’il invoque (à la supposer établie), cette circonstance était de nature à faire obstacle à ce que celle-ci soit regardée comme un juste motif de dissolution de la société, sans incidence toutefois sur la recevabilité de la demande.

Sur renvoi, la cour d’appel avait accueilli la demande tendant à la dissolution. Les requérantes se pourvoyaient à nouveau en cassation, se fondant notamment sur une solution classique conformément à laquelle l’associé qui provoque une mésentente ne saurait s’en prévaloir afin que celle-ci soit regardée comme un juste motif de dissolution.

La chambre commerciale rejette le pourvoi. On constatera d’abord que la Haute juridiction reprend une solution classique selon laquelle la dissolution est fondée toutes les fois où le blocage total du fonctionnement de la société a rendu nécessaire l’intervention d’un administrateur provisoire restée infructueuse. Cela étant, l’arrêt semblerait innover puisque la chambre commerciale admettrait le prononcé de la dissolution lorsqu’il est impossible, en l’état, d’imputer à l’un des associés l’origine exacte de la mésentente.

 

“Mais attendu que l’arrêt constate que le blocage total du fonctionnement statutaire de la société X. a rendu nécessaire la désignation d’un administrateur provisoire et qu’aucune amélioration de la situation n’est prouvée puisque les procédures judiciaires entre associées augmentent de manière exponentielle, sans possibilité de déterminer l’origine exacte de la mésentente ; qu’il retient que cette mésentente empêche les associées de poursuivre les relations qu’elles entretenaient préalablement dans le cadre de l’exploitation de toutes leurs sociétés et notamment la société X. et que, si un administrateur provisoire a été désigné, la mésentente permanente et générale s’est pérennisée et presque institutionnalisée et paralyse le fonctionnement de la société ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, dont elle a souverainement déduit que l’origine de la mésentente entre les associées ne pouvait être imputée à l’une d’entre elles, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer la recherche invoquée par la troisième branche, inopérante en ce qu’elle concernait le comportement de M. Y  en sa qualité de gérant de la société X, et qui a retenu que le fonctionnement de la société était paralysé, a légalement justifié sa décision ; qu’inopérant en sa troisième branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;”

 

Com. 10 avril 2019 : n° 17-20.506

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000038427190